Nouvelle réforme de la formation : Réaction d'un adhérent FESPA France


Comment le 1% formation est devenu le 0% formation 100% prélèvement social

L’accord interprofessionnel du 14 Décembre 2013 sur la réforme de la formation professionnelle « a été transposé en un temps record » dans la loi pour arriver pratiquement à supprimer le financement de leurs formations pour et par les entreprises au bénéfice des formations envisagées dans les comptes personnels de formation des salariés qui ont remplacé l’éphémère DIF.
Les réformes de grande envergure annoncées consistent :
1/ Transformer les fonds affectés à la formation versés par les entreprises en taxes destinées à financer les formations données par Pôle Emploi et les comptes personnels des salariés.
2/ Supprimer les possibilités de financement des formations internes et externes des entreprises.
3/…………. ????……………… Grande envergure vous dit-on !!!
4/ Voir le point n°3……………
 
Notre profession, comme beaucoup d’autres, subit de très importants changements technologiques et une grande partie de nos salariés possède une ancienneté et un savoir-faire important. Ces savoir faire sont notre richesse, mais ils doivent être complétés par l’intégration des nouvelles technologies sans laquelle nos entreprises sont vouées à la disparition.
Le système de formation professionnelle continue permettait de former nos salariés à des tâches spécifiques nécessaires au bon fonctionnement de nos entreprises, notamment lors de l’acquisition de nouvelles machines aux technologies non maîtrisées par nos effectifs.
Nous devons aussi former certains de nos personnels afin de pouvoir les faire évoluer à l’intérieur de nos entreprises. Un exemple basique : un opérateur de machine de découpe de type typo ou platine doit pouvoir travailler sur des tables automatiques, car son savoir faire avec des formes de découpe est nettement dépassé et insuffisant à nos obligations. Néanmoins les connaissances de ce salarié seront irremplaçables et ne doivent pas être perdues.
Avec ce nouveau dispositif, nos formations vont devoir être financées par nous-mêmes. Si nous ne pouvons – ou ne voulons- pas le faire, nous risquons de devoir recruter du personnel déjà formé et donc nous séparer du personnel dont les qualifications sont insuffisantes.
Je n’ai pas à m’étendre sur le coût social de la suppression de certains postes tant du côté employeurs que du côté salarié. Nos entreprises sont dans l’incapacité de supporter de tels coûts et de perdre une partie de leur savoir faire!
Or, depuis le début de l’exercice 2016, nos cotisations de formation continue servent à financer la formation des chômeurs et les envies de formation de la totalité des salariés français et plus du tout celle des salariés de nos entreprises !
Nous connaissons tous la qualité (et le coût souvent disproportionné) des stages offerts pas Pôle Emploi. Si nous ne formons plus nos salariés, nous devrons à terme nous en séparer et Pôle Emploi leur proposera des stages- bien souvent animés par des professionnels de la formation qui, de fait, ne sont pas des professionnels tout court- après l’année obligatoire de pointage par internet !!
«Et tan que vire faï des tours » disait ma grand-mère dans un marseillais approximatif.
En bon français : comment faire de l’air avec du vent et de l’argent pour des organismes de formation dont la qualité peut être qualifiée d’aléatoire, pour rester poli!!
Nous pouvons légitimement craindre, à ce titre, que nos cotisations servent à financer les formations des salariés des grandes entreprises qui se cherchent une porte de sortie et que leurs directions RH seront ravies de ne plus compter dans leurs effectifs :
Un ingénieur de 45 ans salarié dans une grande compagnie pourra partir avec de copieuses indemnités et un compte individuel de formation payé par des TPE ou PME !!
Ce tour de passe-passe a suscité beaucoup moins de hurlements que la Loi Travail… et pourtant, les premiers perdants sont bien nos salariés, suivis de très près par les employeurs !!
Je rappelle ici que le principal point d’achoppement de la loi travail était que dans les PME et TPE, nous n’avons plus l’obligation de demander leur avis aux syndicats, ce qui correspond dans ma société depuis 30 ans à la réalité pure et simple.
Le CPF prévoit que les salariés s’inscrivent sur Internet et choisissent des formations. Un rapide sondage dans ma société donne le résultat suivant : « qu’est-ce que c’est ce truc ? » … 0 inscrits !
 
Pour financer une formation depuis le 01/01/2016, il faut donc la payer entièrement !!
Si vous n’aviez pas remarqué, nos entreprises payent une nouvelle contribution obligatoire dont on peut légitimement se demander à quoi elle va servir. « A financer le compte individuel de formation et la formation des chômeurs » nous répond le législateur à qui je propose officiellement de nous demander de participer à la commission d’évaluation………. !!
En bons chefs d’entreprises roués aux aléas de la production, vous me demanderez (peut-être ?) : « Arrête de râler et essaye de nous proposer des solutions ! »
Eh bien, voilà ce que j’ai pu trouver, mais nous commencerons par rappeler le fonctionnement de l’usine à gaz et surtout, nous vous démontrerons pourquoi ce système ne fonctionnera pas :
Le DIF a pris fin le 31/12/2014. Les heures cumulées seront reportées sur les comptes personnels et pourront être utilisées jusqu’au 31/12/2020. Au-delà, les heures de formation du DIF non utilisées seront perdues.
Le Compte Personnel de Formation (CPF) est alimenté automatiquement à raison de 24 heures par an avec un maximum de 120 heures, puis 12h par an pour un total compris entre 120 heures et 150 heures.
Donc, il faut utiliser les heures accumulées dans les 5 ans, sinon les salariés les perdent.
Pour mettre en place les formations, deux cas se présentent :
1/ Le salarié ne souhaite pas associer son employeur à son projet : la formation s’effectue alors en dehors du temps de travail et le salarié monte son dossier lui-même.
2/ Le salarié souhaite suivre une formation associant son employeur : l’employeur doit donner son accord sur le planning et le contenu 60 à 120 jours avant la formation et faire le dossier auprès de l’OPCA.
Les problèmes relationnels que peuvent entraîner ces cas de figure paraissent malheureusement assez évidents.
Comment se comportera le salarié à qui son employeur aura refusé une formation ??
Un salarié pourra penser de bonne foi qu’il peut associer son employeur à une formation alors que celle-ci ne sera pas validée par ce dernier. De même, dans le cas 1, c’est le salarié qui doit constituer son dossier ; il n’est pas sûr que les salariés ne considèrent pas que c’est à l’employeur de le faire.
Dans le cas où le salarié est d’accord avec son employeur pour demander une formation dans le cadre de son CPF qui soit validée par lui, les deux seules possibilités d’obtenir des financements par l’OPCA sont les suivantes :
1/ La formation demandée devra être diplômante. Si c’est un CQP, il devra être éligible au compte personnel de formation.
Au sein de chacune de nos entreprises, nous devons expliquer à nos salariés l’intérêt qu’ils ont à ouvrir leurs comptes de formation, ce qui va paradoxalement tendre à prouver leur intérêt pour ce dispositif (!), mais surtout à leur demander de faire bloc avec les employeurs pour utiliser les fonds dans le cadre de formations directement utiles au maintien de leurs postes dans nos entreprises.
2/ La formation demandée devra faire partie des actions prioritaires définies par la branche validées par le COPANES.
Je propose de réfléchir de façon intensive aux types d’actions prioritaires que nous présenterons au COPANES et de prévoir de les présenter dans un délai le plus court possible.
Ce sont les deux seules façons de faire financer des formations avec nos cotisations, qui répondent au joli nom de « Cotisation légale », terme très proche de taxation légale (létale ?).
 
C’est assez peu, mais nous devons être convaincus que ce sont les seuls moyens de récupérer nos mises et d’éviter de ce fait un impôt nouveau dont la destination est très fumeuse.
Je propose que nous parlions ouvertement de ce problème avec les partenaires sociaux en leur demandant clairement s’ils préfèrent financer des centres de formation proches de Pôle Emploi ou les formations ciblées de nos salariés actuels et futurs qui leur permettront de conserver leurs emplois de proximité et ne financeront pas forcément les reconversions de salariés dont les grandes entreprises ne savent plus quoi faire. Pour mémoire, Alain Juppé disait le matin du 27/09/2016 sur France Inter que moins de 30% des formations parking de Pôle Emploi débouchaient sur un semblant de poste…
Nous devons tenter de faire pression pour participer à la commission d’évaluation et demander sa constitution si elle n’a pas été prévue.
 
Voilà comment le « 0% formation, 100% prélèvement social » pourra être sorti des griffes des formateurs en tous genres et des départements RH des grandes entreprises et de Pôle Emploi.
 
 
Nîmes, le 25 Septembre 2016
Guy Soffientino
 
Annexe : Accord national interprofessionnel Formation Professionnelle
 
 

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Livre « 55 ans de sérigraphie d’art » Michel Caza